Préoccupations des patients atteints de LES: résultat des enquêtes qualitatives

Hervé Devilliers   15 septembre 2016

Les mesures de la qualité de vie ont pour caractéristique commune de prétendre refléter l’impact non seulement des maladies, mais aussi des interventions de santé sur la vie quotidienne des patients de leur propre point de vue. Ce point de vue a été exploré par de nombreuses études qualitatives, reposant sur des entretiens, individuels ou collectifs, avec des patients atteints de LES. Les données de la littérature et nos résultats ont permis de dégager les principales préoccupations des patients lupiques, comprenant leurs expériences et perspectives, regroupés en 5 thèmes par une analyse thématique :

- restrictions dans la vie quotidienne : Les patients rapportent des limitations dans leur vie personnelle, professionnelle, et leurs loisirs en rapport avec la douleur, la fatigue, ou des troubles de la concentration et de la mémoire. L’évolution de la maladie par poussées intermittentes faisant irruption dans la vie des patient(e)s est également fréquemment mentionnée, le caractère imprévisible de la maladie interférant avec la vie quotidienne, mais aussi avec la planification et la réalisation de projets de vie. Enfin, Le report de la parentalité liée à la maladie est une préoccupation extrêmement présente dans cette population en raison des conséquences médicales de la maladie sur la grossesse, mais aussi de la peur de ne pas être capable d’assumer une parentalité compte tenu du retentissement de la maladie.

- Perturbation et remise en question de son identité : L’errance diagnostique et la description par les patients de nombreux symptômes « inexpliqués », voire attribués par le médecin ou l’entourage à une pathologie psychiatrique sont rapportés dans de nombreux entretiens. L’annonce du diagnostic apporte un soulagement à de nombreux patients. L’angoisse générée par une maladie au pronostic vécu comme incertain par les patients (crainte de séquelles cutanées irréversibles, de la dialyse …) est également importante. Le sentiment d’être « un fardeau » pour sa famille ou ses proches, sur le plan physique, émotionnel, ou financier est rapportée dans plusieurs études. De plus, l’atteinte cutanée, l’alopécie et la prise de poids cortico-induite renforcent un sentiment d’altération de l’image du corps et de l’estime de soi.

Toutes ces considérations expliquent un sentiment de désespoir lié à la perception d’une maladie ne pouvant jamais guérir. La crainte d’inspirer le rejet ou d’être perçu comme un « malade » pousse certains patients à ne pas parler de leur maladie. Enfin, la maladie est parfois perçue comme une punition infligée en réponse à une vie peu saine, stressante ou « immorale ».

- stigmatisation ou indifférence de la société : La banalisation de la maladie par l’entourage des patients ou le corps médical de symptômes non directement observables, comme les douleurs ou la fatigue est rapportée et peut être à l’origine de conflits avec l’entourage. Parfois, la crainte d’une maladie contagieuse ou la gêne de l’apparence physique liée à la maladie pendant les poussées éloigne l’entourage. Enfin, le sentiment de « bénéficier » d’un traitement différent, en bien ou en mal, à cause de la maladie, est souvent perçu comme une stigmatisation par les patients.

- Apprendre à s’endurcir : Les patients rapportent souvent la nécessité de s’adapter à leur maladie et de développer des attitudes mentales positives et un optimisme pour continuer à vivre « normalement ». De même, plusieurs entretiens relatent la nécessité d’un apprentissage des réactions du corps à la maladie ou en réponse à certaines activités, à l’exercice physique ou à l’alimentation pour permettre de surmonter le quotidien. Cette capacité n’est possible que si les patients sont informés sur la maladie et ses traitements et impliqués dans leur prise en charge. Le souhait d’une meilleure connaissance sur la maladie et ses traitements est souvent évoqué par les patients, une meilleure connaissance de la maladie est vécue par les patients comme un levier pour adapter leur vie. Enfin, le contact avec d’autres patients atteints de LES, par l’intermédiaire d’associations notamment est rapportée comme une aide précieuse.

- Accepter le traitement : Les patients interrogés dans plusieurs études se disent vigilants sur la prise des traitements qui leurs sont prescrits pour limiter le risque de poussée et donc assurer leur confort au quotidien. L’importance d’une bonne communication avec l’équipe médicale et d’un médecin référent unique disponible et prêt à discuter des différentes options thérapeutiques apparait essentielle pour les patients interrogés. L’arrêt des traitements est souvent lié, pour les patients à un trop grand nombre de médicaments à prendre ou, pour certains, à la crainte d’une dépendance aux traitements ou d’une conviction de leur inefficacité. Enfin, le coût financier des traitements, médicamenteux ou non, du LES est parfois problématique.

La mesure de la qualité de vie au cours du lupus systémique: un moyen d'améliorer la communication entre les médecins et les patients ?

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